Depuis 6 ans, les éco-volontaires du programme Biodiversita de l’ONG Objectif Sciences International mènent une étude sur la biodiversité au Monténégro, avec une attention particulière portée sur les indices de présence du Lynx des Balkans (Lynx lynx balcanicus). Cet été, les caméras automatiques que nous avons installées les années précédentes ont enfin permis de prouver la présence de cette espèce dans les montagnes d’Hajla, au nord du pays. C’est la première donnée scientifiquement prouvée de la présence de cette espèce dans le pays, après plus de 20 ans lors desquels elle était déclarée nationalement éteinte.

Le Lynx boréal est divisé en plusieurs sous-espèces (entre 7 et 9 selon les sources) et certaines d’entre elles, comme le Lynx des Balkans (Lynx lynx balcanicus) sont en danger critique d’extinction. Les dernières estimations de la population balkanique réalisées par le Kora (fondation européenne d’utilité publique dédiée à l’étude et la conservation des grands prédateurs) en 2018 ont montré qu’il resterait une cinquantaine d’individus répartis entre le Kosovo, l’Albanie, la Macédoine et le Monténégro (mais en sachant que les dernières données officielles de lynx au Monténégro datent d’il y a plus de 20ans). Le Lynx lynx balcanicus est l’une des sous espèces de mammifères les plus menacés au monde. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) l’a classé « en danger critique d’extinction » à l’échelle mondiale, une étape précédant la catégorie « éteinte à l’état sauvage ». L’étude de son écosystème permettra de mieux comprendre son mode de vie et les menaces qui pèsent sur cette espèce. Les acteurs et organisations impliquées dans sa conservation pourront alors mettre en place des mesures adaptées de protection de son habitat et limiter le braconnage, principales causes de diminution des effectifs de sa population.

C’est pour participer à ce vaste projet international qu’OSI et son programme de recherche Biodiversita mènent depuis 6 ans maintenant une étude sur les composantes de l’écosystème du Lynx au Monténégro. De petites populations sont connues et suivi dans les pays frontaliers, dans des vallées proches du site d’étude et l’espèce à toujours été soupçonnée de traverser les cols mais aucune données scientifiques ne permettait alors d’appuyer cette théorie. Seules quelques empreintes ont été récoltées dans des secteurs frontaliers sur les montagnes de Volujak ou de Maglić, à la frontière avec la Bosnie par les Faculté d’Ecologie et Faculté de Science de Bosnie (Lynx in the Dinaric Mountains of Bosnia and Herzegovina and western Montenegro Corresponding author : Tijana Trbojević). Cela faisait donc une vingtaine d’année que l’espèce n’avait plus été aperçue dans tout le Monténégro.

Ainsi, les responsables scientifiques du projet Sylvain Allombert et Konan Le Breton d’OSI Biodiversita ont organisé et encadré des missions de recherche participative et ce sont des dizaines d’écovolontaires qui se sont succédés sur ce projet, en partenariat avec les Monténégrins Semir Kardović, Enko Drešković, Esad Redžematović et avec le soutien logistique de Nikena Eco Adventure.

La mission des éco-volontaires consiste à inventorier la faune et la flore, dans différentes parties encore préservées du Monténégro, à savoir le Parc National de Prokletije et les montagnes d’Hajla. L’objectif de cette mission est d’améliorer les connaissances sur la biodiversité et de rechercher des indices permettant de prouver la présence du lynx dans ces sites.

Parmi différentes méthodes scientifiques d’inventaires, l’un des outils utilisés pour caractériser cette biodiversité est l’installation de caméras à détection automatique qui saisissent des images et des vidéos, de jours comme de nuit, sans dérangement de la faune sauvage.

C’est à la suite de l’analyse, par les éco-volontaires, des données issues de l’une des caméras (posée en 2021 et contrôlée chaque année depuis), qu’ils ont découvert des images inédites d’un Lynx des Balkans (Lynx lynx balcanicus). Sur la vidéo, l’allure de félidé, le pelage tacheté, les oreilles pointues, la queue courte à manchon noir et les membres postérieurs plus long que les membres antérieurs ne laissent aucun doute sur l’identification.

Jusqu’à ce jour, aucune donnée scientifique ne prouvait la présence de ce grand prédateur dans le pays, seuls quelques témoignages permettaient de suspecter la présence potentielle de l’animal. Cette découverte majeure va permettre d’amorcer des démarches collaboratives avec les autres structures travaillant sur le lynx dans les pays frontaliers, dans le but d’adapter les mesures de conservation de la biodiversité au Monténégro. En effet, ces grands félins pourraient recoloniser certaines parties du pays, depuis les pays voisins comme l’Albanie et le Kosovo, qui abritent quelques noyaux de populations - mais seulement si d’importantes mesures de préservation de la biodiversité sont mises en place.

Le programme OSI-Biodiversita continuera ses études au Monténégro dans plusieurs buts : trouver d’autres indices de présence du lynx des Balkans pour mieux comprendre sa répartition, mais également continuer l’inventaire global des espèces faunistiques et floristiques de nos zones d’étude. L’un des objectifs est en effet d’augmenter la protection législative de ces zones en attestant de leur richesse biologique et écologique, ce qui nécessitera une importante communication auprès des habitants et auprès des instances dirigeantes du pays.

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